Lot-et-Garonne

« Le monde d’après a la triste couleur du vieux monde… »

  • Son expérience permet aussi à Jean-Paul Darasse de couver une colère froide vu ce qu’il constate.Son expérience permet aussi à Jean-Paul Darasse de couver une colère froide vu ce qu’il constate. Photo DDM

SocialLot-et-GaronneCoronavirus – Covid 19Publié le 10/05/2020 à 05:06 , mis à jour à 05:13

Représentant de la CGT au sein du conseil des prud’hommes d’Agen dont il a été le président en alternance pendant vingt ans, Jean-Paul Darasse veut ne pas être dupe des conséquences de la crise Covid-19 sur le droit du travail et les salariés.

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Vos origines syndicales vous font pousser un coup de gueule deux mois après le début du confinement. Vous en voulez aux entreprises ?

« Alors qu’une des pires pandémies se répand provoquant des centaines de milliers de morts de par le monde, le confinement des populations est une mesure de bon sens, mais il ne s’applique pas avec la même rigueur à toutes les activités humaines… Les entreprises échappent ainsi largement à ce principe de précaution sanitaire. La crise du Coronavirus survient sur fond de démantèlement des droits collectifs des salariés avec une représentation diminuée, la disparition des CHSCT et des facilités accrues de

licenciement pour les employeurs. »

Vous visez aussi la protection sanitaire des salariés..

« On assiste à un discours contradictoire : d’une part la restriction des sorties des citoyens encadrée

par un pistage démesuré et dans le même temps l’incitation pour bon nombre de salariés d’aller

travailler avec des moyens de protection insuffisants lorsqu’ils sont mis en place… Or si les risques pour un promeneur en rase campagne de contaminer son voisin sont limités il n’en

est pas de même pour un salarié dans le processus de production et de vente de marchandises.

La production à flux tendu multipliant les transports routiers constitue un formidable vecteur de propagation du Covid 19. Les processus de fabrication sont source de diffusion de la pandémie dans la mesure où les marchandises, les outils, les contenants passent de main en main, les salarié-e-s multipliant les

contacts à moindre distance avec des protections insuffisantes voire inexistantes. C’est pourtant le promeneur qui se fait verbaliser alors qu’un inspecteur du travail est suspendu par le Ministre du Travail pour avoir signifié à un employeur de mettre des masques à la disposition d’aides à domicile ! En situation de crise sanitaire la question à se poser est de définir les activités vitales, lesquelles devraient se limiter, à la santé, à l’alimentation, au transport, à l’énergie, l’éducation, l’information et aux services de nettoyage. Encore convient-il pour ces activités de renforcer la surveillance, le dépistage ainsi que les moyens de protection mis à disposition (masques, gels, distances de sécurité…). Des moyens renforcés aussi pour les instances représentatives du personnel… avec entre autres le rétablissement des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Au lieu de cela, toutes les mesures prises, n’ont d’autre objectif que de « sauver » les entreprises. »

Vos remarques vont aussi vers la modification du temps de travail contenu dans les ordonnances.

« Les salariés sont encore taxés par la confiscation des congés payés, des jours de repos et de RTT et cerise sur le gâteau par l’allongement de la durée hebdomadaire du travail ! Le télétravail massif, quant à lui montre ses limites organisationnelles avec des répercussions psychologiques non négligeables. Le monde d’après prôné par le chef de l’État et le Medef avec pour corollaire concurrence et productivité a hélas la triste couleur du vieux monde. Quid de la redistribution des dividendes accumulés par les actionnaires *, au profit des services publics, de l’hôpital et de la recherche ? Rien. »

Le versement de primes ne suffit pas à votre avis ?

« C’est cela qu’il faut impérativement changer. Un constat s’impose : ce sont les salariés qui sont « les premiers de cordées » pour faire tourner la machine : soins, production et distribution des denrées alimentaires, de l’énergie, éducation… Cette reconnaissance tardive ne peut se solder par de simples applaudissements ou quelques primes distribuées deçà delà. » Il convient en premier lieu de revaloriser massivement les salaires de ces professions, mais aussi de redonner aux salariés, la place qui leur revient dans le préambule de la constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination

collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». Redonner aux salariés un droit réel de décision dans la gestion des entreprises, cela signifie pouvoir satisfaire les besoins réels de la population, produire des biens et des services utiles, produire autrement et en lien avec les contraintes écologiques. Cela signifie travailler moins, mais tous sans la contrainte des objectifs qui cassent la santé physique et mentale des salariées, dans le respect des compétence de chacun et au profit de toutes et tous. »

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