Pyrénées-Atlantiques

Lettre au Préfet des Pyrénées-Atlantiques du 6 avril 2020


Monsieur le Préfet,


Nous vous remercions de votre réponse à notre courrier. Pour autant, certaines interrogations nécessitent des éléments complémentaires.
Alors que de nombreux employeurs ne respectent pas les obligations de sécurité, que des vies de travailleuses et de travailleurs, de citoyennes et de citoyens sont en jeu, la seule obligation d’aménagement des conditions de travail afin de respecter les consignes de distanciation sociale nous semble insuffisante à assurer leur protection.
Nous réitérons notre demande d’échanges réguliers incluant les organisations syndicales de salarié.e.s car seules les organisations patronales peuvent être entendues, alors même que certaines entreprises du département ne respectent pas la réglementation, mettant ainsi en danger la vie des salariés. Par exemple plusieurs militant.e.s nous ont informé que quelques employeurs font signer des décharges à leurs salariés. Ainsi, pour la CGT, le maintien d’activité coûte que coûte ne peut être une fin en soi.
Notre département est pour l’instant relativement épargné par l’épidémie. C’est un répit qui pourrait nous permettre de réellement lutter contre la propagation du virus. Et pour cela, le confinement ne doit pas qu’être appliqué dans l’espace public, il doit s’étendre à tous les secteurs qui ne sont pas essentiels.
Nous avons noté avec surprise dans la presse que la majorité des contrevenants aux mesures des décrets des 16 et 23 mars derniers seraient des « bobos » dont « on voit bien la mentalité… ». Pour notre part, nous ne connaissons que des « ouvriers », des « employés », des « techniciens » qui vont la peur au ventre au travail, car il leur est impossible d’assurer les fameuses consignes de distanciation sociale (promiscuité, pas de masques, pas de gants, pas de gel hydroalcoolique, pas de nettoyage régulier des sanitaires…).
La CGT 64 demande une sévérité identique dans l’application de la loi pour les entreprises et les quelques patrons voyous qui exposent en connaissance de cause leurs salariés. A cet effet, vous disposez des pouvoirs nécessaires pour, le cas échéant faire fermer les quelques entreprises qui pourraient être concernées. De même, il nous semble urgent pour protéger la population de réglementer les activités non essentielles afin de réduire le risque d’exposition des salarié-e-s. Vous avez d’ailleurs été sollicité par des syndicats du commerce afin que soient fermés les rayons dits non essentiels, et nous nous inquiétons de la reprise d’activité par exemple du drive à Castorama, …
De plus, quel sens donner aux demandes effectuées par des entreprises, par exemple dans l’agroalimentaire, de recourir d’emblée au chômage partiel jusqu’au 31 août ? Quelles sont les garanties que de telles entreprises s’engagent à maintenir l’activité sachant qu’existent d’importantes interdépendances entre les différents secteurs. Il serait indécent que des entreprises se fassent payer par les deniers publics leurs secteurs d’activité les moins « profitables » afin de gonfler leurs futurs bilans.
De plus, quand bien même « des guides de bonne pratique sont (toujours) en cours d’écriture », il nous semble essentiel que soit développé le contrôle des obligations de sécurité des employeurs, sans attendre qu’un-e salarié-e
vienne à décéder suite à une contamination sur son lieu de travail. C’est d’ailleurs ce qui conduit la Fédération du
Commerce de la CGT à porter plainte contre Carrefour pour « atteinte involontaire à la vie » et « mise en danger de la vie d’autrui » suite au décès de Madame Aïcha Issadouene, déléguée syndicale à Carrefour Saint-Denis, et à poursuivre la Ministre du Travail devant la Cour de Justice de la République pour « inaction face aux manquements des employeurs du secteur de la distribution ».
Nous avons également eu des informations selon lesquelles des EHPAD devaient à la demande de l’ARS, envoyer leurs stocks de masques pour les hôpitaux. Pouvez-vous nous préciser ce qu’il en est réellement, afin le cas échéant de pouvoir démentir de telles rumeurs.
En ce qui concerne le fonctionnement des IRP, nous regrettons que dans la période rien ne soir prévu pour renforcer le rôle et les capacités d’intervention du CSE, notamment en matière de santé et de sécurité, alors que les salarié.e.s ont plus que jamais besoin d’interventions collectives. Dans le même ordre d’idée, il nous semble qu’il y a lieu dans la période de renforcer le rôle et la présence dans les entreprises de la médecine du travail et non pas seulement d’aider les entreprises dans la définition et la mise en oeuvre des messages de prévention afin d’aider à la définition et la mise en oeuvre de mesures de prévention ou en accompagnant celles qui seraient amenées à « accroître ou adapter leur activité ».
Sur la situation des femmes, nous notons les mesures mises en place par le gouvernement car le confinement aggrave lourdement les situations de violences conjugales et de celles faites aux enfants. Nous notons également avec inquiétude que le confinement, alors qu’il aurait pu être l’occasion d’une nouvelle répartition du travail domestique, concourt à renforcer encore la charge mentale des femmes, et plus particulièrement de celles qui sont en télétravail et qui se retrouvent dans l’obligation de réaliser leur activité professionnelle dans son intégralité tout en s’occupant des enfants, à leur faire cours, …
Cette question doit être prise en compte par les pouvoirs publics et les employeurs sous peine que l’état de santé des femmes et mères de familles soit considérablement dégradé à l’issue du confinement.
Enfin, la prime exceptionnelle prévue par le gouvernement pour le pouvoir d’achat afin de récompenser les salarié.e.s ayant travaillé pendant l’épidémie ne vise à notre sens qu’à diviser davantage encore les collectifs de travail, nuit gravement au financement de la protection sociale, et nous laisse craindre qu’elle ne se substitue aux augmentations de salaires revendiquées. Rien ne nous semble justifier par ailleurs que les salarié.e.s en activité partielle qui bénéficient uniquement de l’indemnisation légale soient pénalisé.e.s et nous revendiquons, comme cela se fait dans plusieurs entreprises, le versement de l’intégralité des salaires afin d’éviter des situations particulièrement difficiles voire catastrophiques.
Monsieur le Préfet, il y a urgence et notre organisation ne pourra tolérer aucun décès « évitable ». Si les salarié.e.s devaient avoir l’impression d’avoir été sacrifié.e.s aux dépends des profits et du versement des dividendes, qui cette année encore nous semblent indécents, cela générerait inévitablement une fragilisation du contrat social et du cadre de confiance du monde de l’entreprise. Nous regrettons que le gouvernement en reste à un appel à la bonne volonté des entreprises, avec des mesures trop timides et non contraignantes, et demandons la suspension immédiate du versement, par les entreprises, de dividendes, rachats d’actions et bonus aux PDG, à fortiori quand elles ont bénéficié d’aides publiques ou de chômage partiel.
Fidèles aux engagements historiques de la CGT à toutes les périodes sombres de notre Histoire, nous renouvelons notre demande de participer activement avec vous au respect des obligations de sécurité des employeurs pour protéger les activités essentielles de la Nation, et plus généralement pour construire ce monde d’après, en particulier dans le secteur hospitalier. Des propositions nous en avons, elles doivent pouvoir être portées dans le débat. Vous le voyez bien, M. le Préfet des Pyrénées Atlantiques, il est indispensable que les organisations syndicales de salarié.e.s du département, à l’instar du Gouvernement ou du Président qui prennent le temps de le faire en ces temps de crise, soient intégrées dans les échanges que vous organisez notamment avec le patronat.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de notre considération distinguée.
La Secrétaire générale,
Mme Muriel Reignier

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